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Écrit par Philou   
Dimanche, 13 Octobre 2002 03:19

Grève des gardes en médecine générale libérale,
rapport de la Cour des Comptes, futurs SROS
et spécialité de Médecine d’Urgence ...

En prenant la succession du Dr P-M.Roy comme président du Collège de Médecine d’Urgence des Pays de Loire, je le remercie au nom de tous du travail accompli depuis la création du CMUPL en octobre 1999. Ces remerciements s’adressent également au Dr.F.Berthier pour la qualité du secrétariat et du site web du collège.

Depuis un an, le monde de la médecine d’urgence a eu, entre autres difficultés, à assumer la grève des gardes des médecins généralistes libéraux. Cette grève, qui de fait n’est pas terminée, constitue en quelque sorte une « expérience » de grande ampleur qui laisse entrevoir une nouvelle organisation possible de la réponse à la demande de soins urgents. Expérience dont il serait dommage de ne pas tirer tous les enseignements : c’est une des réflexions actuelles du collège et nous en parlerons à la 7° JMUPL de St Florent le Vieil, le 14 novembre 2002.


« Assumer »
signifie que les risques potentiels courus par les patients du fait de la défaillance d’un maillon considéré jusqu’ici comme fondamental, ont été considérablement réduits par la mobilisation des structures d’urgence. Ceci confirme la réactivité, le professionnalisme et l’éthique qui animent ces structures. Nous aurions d’ailleurs apprécié que ceci soit plus reconnu par la communauté médicale (Ordre), nos tutelles, et au-delà la collectivité et ses représentants.
Cette « mobilisation de crise » ne saurait perdurer indéfiniment

Cela ne signifie pas pour autant, qu’il n’y a aucune place pour la médecine générale libérale dans la prise en charge des soins d’urgence. Mais cette place est à redéfinir complètement : dans l’espace (les besoins ruraux et urbains sont différents), dans le temps (la notion de garde), dans les fonctions (médecins correspondants-SMUR ? visites ou consultations d’urgence ?, conseil téléphonique ?…) et fondamentalement dans sa propre organisation (quel avenir pour un exercice solitaire, non intégré dans un réseau de soins et supportant une contrainte de permanence des soins qui est extrême pour certains…et nulle pour d’autres ?). Cette organisation doit également tenir compte de l’existence de structures d’urgentistes libéraux « professionnels » . Elle doit aussi tenir compte des disparités loco-régionales. Si, en Loire-Atlantique, 3,8 % de la population n’a pas de médecin généraliste dans sa commune, ce chiffre est de 19,8% en Sarthe (source DRASS)...
Fini le temps où certains pensaient qu’il suffirait simplement que la médecine générale libérale se « ré-engage » pour que disparaisse le « problème » des urgences.


Le dernier rapport de la Cour des Comptes est très instructif à cet égard. C’est d’une refonte complète de l’organisation de la médecine générale libérale qu’il s’agit. Le rapport souligne que « son organisation (actuelle) cloisonnée (qui) n’offre pas un service optimal ».

Je citerai quatre autres passages de ce rapport qui font écho à nos préoccupations :

  • « La difficulté principale pour les services d’accueil est de trouver un lit adapté à l’état du patient ... cette difficulté résulte essentiellement d’une inadéquation qualitative des lits aux besoins des patients : il n’y a pas assez de lits de médecine générale pour accueillir les patients âgés ».
  • « Ces expériences (centres d’accueil et de premiers soins, maisons médicales) ... sont fragiles. Leur évaluation est souvent lacunaire et leur financement incertain. »
  • « Le contrôle de l’affectation aux services d’urgence des postes attribués (médicaux et paramédicaux) et des crédits fléchés n’est pas effectué »
  • Le rapport note que curieusement la médecine d’urgence a été oubliée dans la mise en place des filières et réseaux de soins (ordonnance de 1996) alors qu’elle aurait dû constituer « un motif prioritaire »


Tout ceci doit alimenter les discussions des futurs SROS
.


Mais
ce rapport méconnaît un aspect majeur de l’apport de la médecine d’urgence. Si la régulation médicale a pu rapidement faire face à la crise de la dernière période, ce n’est pas parce qu’il n’ y avait que des appels « pour rien » : c’est que les urgentistes ont appris à réguler de mieux en mieux en développant un savoir et des connaissances, évitant visites à domicile ou hospitalisations excessives. Et si le taux d’hospitalisation reste stable à partir des SAU malgré l’afflux, ce n’est pas parce que les patients viennent « pour rien » : c’est que les urgentistes ont développé un savoir et des connaissances permettant une prise en charge ambulatoire (avec ou sans hospitalisation de très courte durée) de nombreuses pathologies qui donnaient lieu, il y a quelques années, à hospitalisation systématique. Ce dont les rapporteurs de la Cour des Comptes rêvent dans leur chapitre de présentation sur « Les activités hospitalières en relation avec les soins ambulatoires », les urgentistes le font tous les jours : adapter les progrès diagnostiques et thérapeutiques pour réduire la durée et la fréquence du recours à l’hôpital.

Il n’est pas certain que d’autres acteurs du système de soins, en particulier dans le secteur des « soins programmés », que ce soit en ville ou à l’hôpital, en médecine générale ou spécialisée, montrent autant de réactivité, de capacités d’adaptation, et pour tout dire de « productivité ». L’exemple de l’hospitalisation à domicile ou de la chirurgie ambulatoire est édifiant.

Même l’axiome sur le « coût exorbitant des urgences » est à revoir : ce n’est pas le renforcement marginal ou nul de nos moyens pendant la grève qui a coûté cher. Ce n’est pas la grève elle-même : la comparaison premier semestre 2001- premier semestre 2002, montre une diminution de 23% des visites de nuits ou de week-ends/jours fériés des généralistes pour les départements 28,37,41,49,53,72,61 (source CPAM72) et de 7% pour le total « visites-consultations-K ». Cela n’a pas empêché le dérapage franc des dépenses de santé cette année ...

Plus que jamais nous avons besoin de la reconnaissance de notre spécialité c’est à dire de nos savoirs, de nos savoir faire et nos savoir être!

 

Dr Philippe Bourrier

Président du CMUPL
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SAU - Centre Hospitalier du Mans
Mise à jour le Mercredi, 17 Octobre 2012 22:38